Localisation géographique
Le pastel est originaire des régions méditerranéennes, mais a été rapidement cultivé dans toute l'Europe, y compris au nord.
Utilisation historique
On a retrouvé dans des cavernes néolithiques (Adaouste dans les Bouches-du-Rhône) des fibres végétales teintes en bleu d'indigo (ne pouvant provenir que du pastel à cette époque). D'autres fibres teintes au pastel ou des graines, datant de l'âge du fer, ont été retrouvées en Autriche, et en Europe du nord (Danemark, Allemagne, France).
Des cuves de pastel datant de l'époque romaine ont été retrouvées, à Barcelone et à Pompéi. Le nord de la Grande-Bretagne est célèbre pour son utilisation du pastel autant sur les fibres textiles que sur les corps (le nom des pictes vient de "picti" en latin qui signifie homme peint).
Les fouilles de Luistari (commune d'Eura en Finlande) de
plusieurs dizaines de tombes datant d'une période allant entre le IXè et
le XIIè siècle, ont fourni d'autres renseignements. On a notamment
étudié toutes les teintures d'un costume datant d'entre 1000 et 1050, et
l'on retrouve un bleu très saturé, provenant du pastel, ainsi qu'un vert résultant du mélange entre le pastel et un jaune X (probablement de la gaude).
Au Moyen Âge, le sud de la France est une grande région exportatrice de pastel pour l'Angleterre et les autres régions françaises et européennes qui complétaient ainsi leur production locale.
Parties de la plante utilisées
On utilise les feuilles. Ces feuilles sont réduits en pulpe, puis en pâte ("pastel") que l'on presse à la main pour faire des boules ("coques" ou "cocagnes"'). Il existe aussi des procédés permettant d'utiliser directement les feuilles fraîches.
Procédé(s) de teinture
Procédé 1 : cuve par fermentation
Il faut réduire les coques une fois sèches en poudre en les brisant avec des maillets en bois. Il faut ensuite les arroser d'eau et les laisser fermenter. La fermentation va permettre de retirer l'oxygène qui empêche le colorant d'être soluble. Cette fermentation étant longue, aléatoire et difficile à maîtriser, nous avons utilisé un agent chimique moderne, l'hydrosulfite, pour provoquer la réaction.
Nous avons donc utilisé de la poudre de pastel, à différents dosages, diluée dans de l'eau et des cristaux de soude pour obtenir l'alcalinité nécessaire à la réaction. Après avoir fait chauffer le bain jusqu'à une température de 70°C, nous avons adjoint l'hydrosulfite pour retirer l'oxygène du bain, et trempé nos échantillons 15 minutes après le début de la réaction.
NB : une fois le bain en anaérobie, le colorant privé d'oxygène prend une couleur jaune. Les fibres restent jaunes tant qu'elles ne sont pas exposées à l'oxygène. C'est en les sortant du bain, alors que le colorant qui les a imprégnés se couple de nouveau à l'oxygène, que la couleur bleue va (ré)apparaître.
Procédé 2 : cuve au fer
Il est également possible de provoquer l'anaérobie du bain avec une "cuve au fer", procédé vraisemblablement utilisé dans le nord de l'Europe, où la température plus basse ne permettait pas de procéder à une fermentation. De la même façon dans un bain alcalin, chauffé à 70°C, l'adjonction de sulfate de fer doit lancer la réaction.
Ce procédé permet d'obtenir des tons plus foncés.
Résultats obtenus
Le dosage à 5% (310) est très proche de ce que l'on obtient avec l'indigo provenant d'indigotiers (321), c'est un bleu assez foncé (mais tout de même un peu plus clair que celui obtenu avec l'indigo).
Plus les concentrations en pastel sont faibles, plus les tons obtenus sont clairs, ce qui est parfaitement logique.
Légende des images (en gras, les nuances intéressantes) |
N°
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PROCEDE 1 dosage 5% poids fibre à teindre
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310
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PROCEDE 1 dosage 1% poids fibre à teindre
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315
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PROCEDE 1 toute fin d'une cuve à 1%
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371
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PROCEDE 2
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320 non exposé car la réaction n'a jamais démarré
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- Palette des bleus et des violets obtenus avec le pastel
- Palette des bleus, verts et bruns obtenus avec le pastel
Les essais de cuve au fer n'ont donné aucun résultat, la réaction n'a
jamais démarré. Pourtant ce procédé avait déjà fonctionné auparavant
(voir photo d'anciens échantillons d'indigo et de pastel ci-dessous).
- Anciens écheveaux de laine comparant les teintures à l'indigo (cuve au fer, et à l'hydrosulfite) et la teinture au pastel (cuve à l'hydrosulfite)
- Anciens échantillons (lin, laine, soie) comparant les teintures à l'indigo (cuve au fer, et à l'hydrosulfite) et la teinture au pastel (cuve à l'hydrosulfite)
Mélanges effectués
Cochenille sur pied de pastel
Nous avons d'abord teint les échantillons dans une cuve de pastel (à
l'hydrosulfite). Le pastel a été dosé à 5% du poids de la fibre à
teindre pour l'échantillon 314, et à 1% pour le 319.
Ensuite, les
échantillons ont été plongés dans un bain de cochenille neutre (cochenille en
extrait dosée à 4,5% du poids de la fibre à teindre) additionné d'alun.
Si l'on cherche à obtenir du violet, le résultat est mieux réussi qu'avec le mélange inverse, car il est plus proche du pastel. Sur la laine, ça reste encore très bleu avec la forte concentration, mais la soie est bien violette. Le 319 est vraiment violet/parme.
Légende des images (en gras, les nuances intéressantes) |
Pastel fortement dosé (5%)
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Pastel peu dosé (1%)
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314
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319 |
Garance sur pied de pastel
Nous avons d'abord teint les échantillons dans une cuve de pastel (à
l'hydrosulfite). Le pastel a été dosé à 5% du poids de la fibre à
teindre pour l'échantillon 311, et à 1% pour le 316.
Ensuite, les
échantillons ont été plongés dans un bain de garance acide (garance en
extrait dosée à 5% du poids de la fibre à teindre) additionné d'alun.
Le mélange garance sur pied de pastel fonctionne mieux que celui
pastel sur pied de garance. Mais c'est quand même très difficile
d'obtenir ce que l'on veut, à savoir des violets. Avec ce mélange très
dosé on a presque du noir ce qui est conforme à ce qui se faisait à
l'époque, mais pas vraiment les tonalités violettes que nous
recherchions. On reste dans les bruns rouges plus ou moins foncés. Avec
le pastel moins dosé, c'est le même constat, on a pas du violet, mais du
rouille, le rouge/orange garance est prévalent et le bleu le fonce et
le ternit mais sans donner de nuances violettes.
Légende des images (en gras, les nuances intéressantes) |
Pastel fortement dosé (5%)
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Pastel peu dosé (1%)
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311
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316 |
Gaude sur pied de pastel
Nous avons d'abord teint les échantillons dans une cuve de pastel (à
l'hydrosulfite). Le pastel a été dosé à 5% du poids de la fibre à
teindre, pour l'échantillon 313, et à 1% pour le 318.
Ensuite, les échantillons ont été plongés dans un bain de gaude neutre (gaude en
extrait dosée à 5% du poids de la fibre à teindre) additionné d'alun.
A forte concentration, le résultat n'est pas un vert réussi comme avec le mélange inverse
(pastel sur pied de genêt). On obtient des tons beaucoup plus bleus. Le
pastel prévaut et on ne perçoit presque plus le jaune. A faible
concentration de pastel en revanche, on obtient un bleu-vert plus clair et plus bleu que le n°287 (équivalent dans l'autre sens).
Légende des images (en gras, les nuances intéressantes) |
Pastel fortement dosé (5%)
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Pastel peu dosé (1%)
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313
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318 |
Genêt sur pied de pastel
Nous avons d'abord teint les échantillons dans une cuve de pastel (à
l'hydrosulfite). Le pastel a été dosé à 5% du poids de la fibre à
teindre, pour l'échantillon 312, et à 1% pour le 317.
Ensuite, les échantillons ont été plongés dans un bain de genêt neutre (genêt en
extrait dosé à 5% du poids de la fibre à teindre) additionné d'alun.
Le résultat n'est pas un vert réussi comme avec le mélange inverse (pastel sur pied de genêt). On obtient des tons beaucoup plus bleus. Le pastel prévaut et on ne perçoit presque plus le jaune. A faible concentration de pastel, on obtient un bleu/gris sans intérêt. Pour les verts, il vaut donc mieux procéder en sens inverse.
Légende des images (en gras, les nuances intéressantes) |
Pastel fortement dosé (5%)
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Pastel peu dosé (1%)
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312
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317 |
Pastel sur pied de cochenille
Nous avons utilisé de l'extrait de cochenille dosé à 4,5% du poids de la fibre à teindre, simplement dilué
dans de l'eau tiède. Les différents bains ont été maintenus une heure à 90°C.
Ensuite, les échantillons ont été plongés dans une cuve de pastel à 5%.
Le résultat plus proche de la cochenille que du pastel (alors que c'était l'inverse pour le mélange inverse = cochenille sur pied de pastel) : on obtient un beau rose violet, surtout en acide. Pour de vrais violets moins rosés, il faut donc faire le mélange inverse.
Pastel sur pied de garance
Nous avons fait macérer les racines de garance broyées en
petits morceaux (même poids que celui de la fibre à teindre) dans des
bains acide, neutre ou alcalin pendant quatre jours.
Les bains ont
ensuite été portés et maintenus à ébullition pendant deux heures et demi
avant d'être filtrés.
Lors de la teinture elle-même, les différents bains ont été maintenus une heure à 60°C.
Nous avons ensuite plongé chaque échantillon quelques minutes dans un bain de pastel.
Nous attendions des violacés (rouge + bleu). Le résultat est
catastrophique. Etant donné que les bains de garance étaient assez
oranges, on se retrouve plutôt avec des marrons qu'avec des violets.
L'échantillon du bain acide qui était le plus rouge au départ donne des
rouilles foncés, sauf le lin qui est le seul a tirer vers le violet.
Le sulfate de fer et de cuivre ne changent pratiquement rien.
Les
échantillons des bains neutres sont des marrons verdâtres.
L'échantillon du bain alcalin tire sur le vert, étant donné que le pied
de garance était presque jaune. En résumé : un mélange sans intérêt,
surtout à cause de la couleur originelle trop orange des pieds de
garance.
D'autre part, étant donné que les couleurs avaient vraiment pris de
manière très irrégulière, nous avons voulu retenter ce mélange, au cas
où cette catastrophe ne soit que ponctuelle. Nous avons donc fait un
premier bain acide de garance en extrait (dosée à 6% du poids de la
fibre à teindre), maintenu une heure à 60°C, puis un bain de pastel dosé
à 5%.
Au final, ça a beaucoup mieux marché qu'avec les échantillons
précédents où nous avions utilisé les racines. Il semblerait donc qu'il y
ait bien eu un raté avec les racines, sans doute au mordançage. Cela
étant, on a pas non plus de violet, c'est un bordeaux, violet sur le lin
uniquement, et le résultat n'est quand même pas extraordinaire.
Légende des images (en gras, les nuances intéressantes) |
Mordançage à l'alun
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Mordançage alun et sulfate de fer
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Mordançage alun et sulfate de cuivre
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Teinture en bain acide
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121 423 (2è essai)
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122
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123
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Teinture en bain neutre
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124
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125
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126
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Teinture en bain alcalin
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127
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128
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129 |
Pastel sur pied de gaude
Nous avons utilisé de l'extrait de gaude dosé à 6% du poids de la fibre à teindre, simplement dilué
dans de l'eau tiède. Les différents bains ont été maintenus une heure à 90°C.
Ensuite, les échantillons ont été plongés dans une cuve de pastel à 5%.
On obtient de jolis verts sur les écheveaux, plus clairs en bain
acide et plus foncés en bain alcalin. Sur le tissu en revanche, la
couleur prend moins bien, et le résultat est plus bleuté qu'avec le même
mélange avec le genêt.
Le sulfate de fer et de cuivre bleuissent le vert et le ternissent : ce n'est pas très intéressant.
Pastel sur pied de genêt
Nous avons utilisé de l'extrait de genêt dosé à 6% du poids de la fibre à teindre, simplement dilué
dans de l'eau tiède. Les différents bains ont été maintenus une heure à 90°C.
Ensuite, les échantillons ont été plongés dans une cuve de pastel à 5%.
On obtient de jolis verts en bain d'alun, lumineux surtout sur la soie.
Les bains alcalins donnent des tons plus foncés.
Le
sulfate de fer n'apporte rien de particulier, il ternit les verts qui
tirent vers des gris bleus peu intéressants. Même constat avec le
sulfate de cuivre.
Les bains d'alun au genêt nous permettent au final d'obtenir les
meilleurs résultats de vert, comparés aux mélanges identiques à la gaude
et au nerprun qui sont moins lumineux.
Légende des images (en gras, les nuances intéressantes) |
Mordançage à l'alun
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Mordançage alun et sulfate de fer
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Mordançage alun et sulfate de cuivre
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Teinture en bain acide
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184
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185
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186
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Teinture en bain neutre
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187
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188
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189
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Teinture en bain alcalin
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190
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191
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192
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Actions sur le document
Pastel sur pied de henné (n°492)
Nous avons fait un bain neutre de henné, en diluant les feuilles
pulvérisées (même poids que celui de la fibre à teindre) avec de l'eau
tiède et l'avons maintenu une heure à 90°C.
Puis nous avons plongé notre échantillon dans un bain de pastel à 5%.
Le résultat est peu concluant, à part sur la laine. On a un marron
qui tire sur le vert, une sorte de moutarde foncé. Ce n'est pas très
différent des tonalités que l'on peut obtenir avec le henné seul sans
mordant, donc l'intérêt est relatif.
Pastel sur pied de nerprun
Nous avons utilisé de l'extrait de nerprun dosé à 6% du poids de la fibre à teindre, simplement dilué
dans de l'eau tiède. Les différents bains ont été maintenus une heure à 90°C.
Ensuite, les échantillons ont été plongés dans une cuve de pastel à 5%.
On obtient un vert plus sombre qu'avec la gaude et le genêt, parfois plus moutarde. La couleur est plus chaude. Même constat qu'avec les autres mélanges jaune/bleu, le fer et le cuivre bleuissent et ternissent.