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Bois rouges (ou bois de brésil)

Caesalpinia sappan & Baphia nitida

Localisation géographique

Le bois de sappan est originaire d'Asie et le bois rouge  (baphia nitida) est un arbre commun en Afrique occidentale.

A noter que ce n'est pas le Brésil qui a donné son nom à ce type d'arbres (ce qui impliquerait qu'ils n'aient été connus qu'après 1492), mais bien l"inverse : il a été découvert dans ce pays un grand nombre d'arbres de la même famille  (des pernamboucs ou caesalpinia echinata) que les bois rouges asiatiques et africains. Or on surnommait ces bois bois de brésil, c'est-à-dire couleur de braise (rouge). Comme il y en avait beaucoup, on a donné le nom de Brésil au pays.

Utilisation historique

En dehors de l'Occident, le bois de sappan est nommé comme teinture en Inde dès le VIè siècle, et on a retrouvé une inscription le mentionnant également comme teinture en Indonésie en 939. Marco Polo, dans sa Description du monde indique qu'il est heureux de découvrir les "contrées où naît le bois de brésil en grande quantité".

Au XIIIè siècle, il existe dans les grandes villes drapières flamandes le métier de "tailleur de brésil" qui consiste à réduire ce bois en poudre pour les besoins des teinturiers. On trouve également des textes qui définissent son usage, comme le Ban échevinal sur la teinture de Douai (1250).
Des pièces archéologiques ont aussi été retrouvées comme un morceau de soie hispano-mauresque, conservée à Sainte-Polycarpe dans l'Aude et datant des XII-XIIIè siècles. Le fond était principalement teint au brésil (bois de sappan), mélangé avec un peu de cochenille et d'indigo.
Nous avons également de nombreuses traces du commerce de bois de sappan, notamment au XIVè siècle. En revanche, nous n'avons pas de traces de l'utilisation des bois rouges africains en Occident avant le XVIIè siècle (et le XVè siècle en Afrique), mais il est probable qu'ils aient aussi été connus et importés auparavant.

Le bois de brésil permet d'obtenir des tons rouges rosés ou violacés. Il a été particulièrement employé pour rosir la garance afin de lui donner une tonalité plus rouge, ou pour obtenir des violets allié à la garance et au pastel. D'après Dominique Cardon, dans le monde des teintures naturelles :

"la variété des teintes dans lesquelles entre le "brésil" (en l'occurrence le bois de sappan) dès le Moyen-Âge est confirmée par les analyses de tissus : un des meilleurs exemples en a été récemment apporté par Jan Wouters de l'IRPA, à Bruxelles, grâce à une série d'analyses des colorants de 38 "bordures florentines", type de galons de soie dont la production a duré de la fin du XIVè au début du XVIè siècle. L'emploi du brésil s'y révèle effectivement courant au point que c'est le colorant détecté dans le plus grand nombre d'analyses (...). C'est aussi le plus employé seul, sans combinaison avec une autre teinture (...). On trouve aussi le bois rouge combiné à
   - la garance dans un rouge (...)
   - l'indigo dans un violacé (...)
   - la gaude dans un orangé (...)

Dominique Cardon, le monde des teintures naturelles, Belin, p.223"

 

Parties de la plante utilisées

On utilise le bois de coeur rouge foncé du tronc et des grosses branches (parfois aussi les racines, mais c'est plus rare).

Procédé(s) de teinture

 Pour notre expérimentation, nous avons fait macérer l'écorce broyée en petits morceaux (même poids que celui de la fibre à teindre) dans des bains acide, neutre ou alcalin pendant trois jours. Les bains ont ensuite été portés et maintenus à ébullition pendant deux heures et demi avant d'être filtrés.

Nous avons également fait des expériences avec différentes additions dans le bain neutre (après les deux heures et demie de bouillon) : bicarbonate de soude, bicarbonate de soude + sulfate de fer, cristaux de soude, tanin.

Lors de la teinture elle-même, les différents bains ont été maintenus une heure à 90°C.

Résultats obtenus

Les bains acides tendent vers le rouge, alors que les bains alcalins tendent plus vers le rose/violet par rapport au neutre.  Le sulfate de fer fonce bien les couleurs presque jusqu'au noir. Toutes les fibres ont bien pris la couleur. Le sulfate de cuivre permet d'obtenir des tons plus bordeaux, mais supprime la différence entre acide, alcalin et neutre. Les différents mordants ont surtout une influence sur le lin.

En deuxième bain, on reste dans les même tonalités mais logiquement avec des couleurs plus claires. On a surtout des roses, plus fuschia en acide et plus vieux rose en alcalin et surtout en sulfate de cuivre. Cela donne du coup de très jolis violets avec le sulfate de fer.

En troisième bain les résultats sont beaucoup plus mitigés. En bain acide, les couleurs ont continué à bien prendre, même si les mordants fer et cuivre les affadissent. En revanche, la teinture est quasi-nulle pour les bains neutre et alcalin, on a un beige hideux. Petite nuance pour l'alcalin à l'alun qui garde une légère teinte beige rosée.

En rajoutant du bicarbonate de soude au bain neutre, on a tout de suite quelque chose de beaucoup moins vif et de plus doux que le bain alcalin à la chaux (32), qui est basique également. Ce sont des tons très passés, tendres.
Avec le sulfate de fer en plus (443), logiquement, on évolue vers du violet, mais ce rose tendre qui était joli sans fer est beaucoup moins intéressant dans les violets. Ceux obtenus sans adjonctions (33, 215) sont plus vifs et lumineux, et valent davantage la peine.
Avec les cristaux de soude, l'échantillon est à peine rosé, cela ne présente aucun intérêt.
Enfin avec le tanin, on a à nouveau une nuance intéressante : un beige rosé spécifique, que l'on retrouve difficilement avec le brésil seul. On a quelque chose d'un peu équivalent uniquement avec le 3è bain alcalin (521).

Légende des images
(en gras, les nuances intéressantes)
Mordançage à l'alun              
Mordançage alun et sulfate de fer    
Mordançage alun et sulfate de cuivre
Teinture en bain acide
29
211 (2è bain)
515 (3è bain)
30
212 (2è bain)
516 (3è bain)
31
213 (2è bain)
517 (3è bain)
Teinture en bain neutre
32
214 (2è bain)
518 (3è bain)
442(+bicarbonate de soude)
443(+ bicarbonate de soude + sulfate de fer)
444(+cristaux de soude)
445(+tanin)
33
215 (2è bain)
519 (3è bain)
34
216 (2è bain)
520 (3è bain)
Teinture en bain alcalin
35
217 (2è bain)
521 (3è bain)
36
218 (2è bain)
522 (3è bain)
37
219 (2è bain)
523 (3è bain)

 

Bois rouges (ou bois de Brésil)
Palette obtenue avec le bois de brésil

Mélanges effectués

Bouleau (écorce) sur pied de bois rouge (n°441)

Nous avons d'abord fait macérer le bois rouge en copeaux (même poids que celui de la fibre à teindre) dans un bain neutre pendant un mois. Le bain a ensuite été porté et maintenu à ébullition pendant deux heures et demie avant d'être filtré. Lors de la teinture, le bain a été maintenu pendant une heure à 90°C. L'échantillon a ensuite été plongé dans un bain d'écorce de bouleau qui avait subi exactement la même préparation que le bain de bois rouge (un mois de macération en bain neutre, puis deux heures et demie de bouillon avant filtration) pendant une heure à 90°C.

On obtient un joli marron, tirant très légèrement sur le rose, qui est très différent de ce que l'on peut avoir avec le brésil seul. Par rapport au bouleau, la couleur est plus foncée et tire sur du bordeaux et ça apporte une nuance intéressante, vraiment différente, plus brune tout en gardant l'aspect rosé.

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