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Mythes et légendes populaires des Lofoten

Cet article est un compte rendu de la présentation faite par M. Benjamin Guérif, Docteur en histoire et traducteur, à la Bibliothèque Sainte-Geneviève (la nordique). J'en profite pour étoffer les différents points abordés. Un plongeon dans le monde tourbillonnant du folklore scandinave aux Lofoten.

Les îles Lofoten sont un archipel appartenant à la Norvège , situées au large de Bodø, au nord du cercle polaire. Isolées, elles représentent pourtant la plus grosse densité hab/m2 en Norvège. Ces îles sont surtout connues pour leurs phénomènes naturels et la rudesse de la vie quotidienne.

Jusqu'à l'invention et démocratisation du bateau à moteur, les marins des Lofoten affrontaient quotiennement le danger des sorties en mer pour aller pêcher la baleine, le saumon ou la morue. Aujourd'hui encore, la prudence est de mise.

C'est cette froide et mortelle réalité que sont tourbillons, brouillards et courants qui a donnée puissance et perennité aux mythes des Lofoten. Mythes qui nous ont été présentés par M. Benjamin Guérif, secondé par Régis Boyer, ce 13 mars 2007, à la Bibliothèque Sainte Geneviève de Paris.

Cet article est une synthèse de la conférence, aggrémentée d'informations supplémentaires tournant autour des mêmes sujets, afin de les approfondir. Rédaction, notes et recherches par Souheil Chelfouh. Illustrations de Théodore Kittelsen et Olaus Magnus, photos de Gunnar Rofstad.

Le Maelström

Le phénomène bien connu des Lofoten, source de légendes

Explication du phénomène

Le maelström est un tourbillon formé par l'action d'un courant très puissant. Ce phénomène naturel très impressionnant n'est pas si vieux. En effet, il est un des effets du recul des glaciers, qui occupaient cette partie du monde il y'a 3000 ans.

À l'époque, les glaciers situés à l'emplacement de l'actuel Vestfjorden (ou fjord Skjerstad) ont commencé à refluer, permettant ainsi à l'océan de venir s'y installer. C'est la marée qui provoque les tourbillons car le fjord et l'océan peuvent avoir jusqu'à deux mètres de différence, créant ainsi des courants d'une puissance incroyable.

Lorsque la marée s'inverse, il y a une "fenêtre" de navigation que les bateaux peuvent emprunter. Le courant est, à ce moment, quasi nul.

Le plus connu, le Saltstraumen, est situé à environ 30 kilomètres à l'est de la ville de Bodø. Plus de 400 million de m³ d'eaux marines passent à cet endroit de 3 kilomètres de long et de 150 mètres de large toutes les 6 heures, avec une vitesse de courant atteignant les 20 nœuds. Des tourbillons de 10 mètres de diamètre et de 5 mètres de profondeur apparaissent aux plus forts moments.

La Baleine Géante

On imagine sans peine l'impact que peut avoir un phénomène pareil sur le spectateur. Aujourd'hui même, lorsque l'on voit des photos d'un maelström, on ne peut s'empecher de penser "il y'a une bête là dessous". En fait, c'est même exactement la teneur de la croyance populaire de la baleine géante.

Cette Baleine, evidemment, beaucoup de marins à travers les âges ont dit l'avoir vue. On dit que le tourbillon est son énorme gueule et que les rochers sont ses dents. L'écume provoquée par les remous serait son sperme.

Cet animal mythique est unique. Contrairement aux deux autres créatures que j'aborderai par la suite, la baleine n'a pas de consoeurs: elle est plus importante dans l'imagerie populaire, probablement car c'est un mammifère qui a joué un grand rôle dans l'économie des îles et la vie des marins. N'oublions pas non plus que le maelström est marquant, mortellement dangereux et, bien sûr, terriblement stimulant pour l'imagination.

La Baleine est un exemple de choix pour la croyance répandue dans les îles qui dit que l'océan avale ses victimes.

Le serpent de mer

A l'instar de la baleine, le serpent de mer est une image récurrente du folklore marin des Lofoten. Très populaire dans cette région du monde, le mythe prend ici tout son sens.

Si l'on en croit les marins (intraitables sur le sujet), les Lofoten, îles cernées par les courants marins puissants, sont un lieu privilégié pour observer le serpent de mer géant.

Un corps long de plusieurs mètres, épais et ondulant, surmonté d'une tête cauchemardesque : le serpent de mer semble être, ici, l'incarnation même des courants.

Olaus Magnus (1490-1557), archevêque norvégien, décrit en 1555 un Serpent de Mer, relevant de nombreux détails :

Ceux qui naviguent le long de la côte norvégienne assurent tous d'une voix une chose épouvantable, que le long de la mer de Bergen, un serpent a bien 60 mètres de long et 6 d'épaisseur. Il sort la nuit au clair de lune pour aller manger les agneaux, les pourceaux, ou bien passe la mer pour aller manger les polypes, locustes et autres sortes de poissons et cancres marins. Il a des yeux rutilants comme une flamme (flammeos oculos rutilantes). Il se lance contre les navires (...) pour aller dévorer ceux qui sont dedans (...). Il a une masse de poils d'une coudée de long qui lui pendent du cou, des écailles aiguës de couleur noire et des yeux rutilants comme une flamme (...). On estime en ce pays que c'est un mauvais présage quand on le voit courir sus aux personnes et que cela signifie mort de prince.

Ce témoignage est intéressant à plusieurs niveaux. On voit tout d'abord que chrétienté et folklore fantastique ne sont pas antagonistes (nous y reviendrons). De même, Olaus Magnus est l'auteur de l'Historia de Gentibus Septentrionalibus (ouvrage est resté longtemps pour le reste de l'Europe la référence pour tout ce qui touchait la Suède) et de la Carta Marina.

Carta Marina
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Pêche, navigation et surnaturel

Les différentes bêtes fantastiques peuplant les brumes marines

Un folklore marin riche

Les lofoten, comme nous l'avons vu, ont toujours vécu au rythme de la mer, supportant ses caprices et profitant de ses bienfaits. Il est normal que celle-ci soit aussi source principale de légendes. Légendes, qui nous allons le voir, peuvent prendre maintes formes.

Aucun doute que l'environnement et la nature même des îles sont propices à l'exagération et à l'atmosphère fantastique. Certains y sont plus sensibles que d'autres. Théodore Kittelsen, fameux dessinateur et peintre norvégien est de ceux-là, nous dépeignant avec sensibilité les créatures issues du folklore local.

La plupart sont des esprits plutôt négatifs, certainement influencés par la rudesse et la fatalité inhumaine d'un océan sans pitié. Animaux grotesques, humanoïdes ou esprits insaisissables, presque tous ont en commun le fait de sortir de l'eau, dans le noir, le froid et la tempête.

Si l'océan avale, il sait aussi regurgiter.

Le troll de mer

Créature mugissante aux allures de géant, le troll de mer est bien mystérieux. Vétu de guenilles, il surgit dans la tempête où il mêle sa voix aux éléments déchainés, ouvrant sa grande bouche tel un ogre. Son apparence peut faire penser à un noyé qui reviendrait hanter les côtes.

L'illustration ci-contre est un exemple parfait des oeuvres de Kittelsen. L'artiste a vécu pendant plusieurs années aux Lofoten.

Remarquez l'oiseau sur la gauche, se détachant de par la noirceur de son plumage : un cormoran.

Draugen

On retrouve un autre esprit de noyé sous le nom de Draugen. Marin pêcheur mort en mer, d'une façon violente et innacceptable, le Draugen est un mort mécontent qui refuse de quitter notre monde. Esprit des tempête annonciateur de la mort, c'est un très funeste présage que de l'entendre rugir.

Un article lui est consacré, pour de plus amples informations :

Havhest

Le Havhest (cheval de mer) est, selon toute vraissemblance, une créature bénéfique. Cheval blanc (ici, on retrouve les spécificités du Näcken), flottant au milieu d'une tâche de lumière, il serait un mirage issu des grosses chaleurs et de la reflection du soleil sur l'océan.

Homonyme du blanc Fulmar, oiseau de mer proche du goéland, le havhest aurait la capacité de mettre en fuite les horribles monstres marins.

Etant né de la lumière et de l'air, on peut comprendre qu'il soit radicalement opposé aux esprits des tempêtes et du froid. De même, faisant reference à un oiseau au plumage immaculé, il semble être la parfaite symetrie du cormoran, associé aux caprices marins et donc aux esprits malins.

Voir l'article qui lui est consacré, pour plus de détails :

Les autres créatures

Dans cette foule de bêtes et esprits marins, on en retrouve plusieurs, plus discrètes mais néanmoins bien présentes. Je cite en vrac :

  • Le marmelen

    petite créature facétieuse qui sévit surtout à bord des bateaux. On pourrait le comparer à un lutin.

  • Le marmennlar (ou marbendlar)

    A associer avec notre imagerie de la sirène

Røst et Utrøst

L'île de la dualité : entre fantastique et monde tangible

Présentation et situation géographique

Røst est aujourd'hui une commune du Comté de Nordland en Norvège. C'était, avant la division administrative actuelle, le nom qui désignait le groupe méridional d'îles, la pointe extrème sud-ouest des Lofoten.

Les îles de Røst sont bien connues des météorologistes, car elles sont les localisations les plus septentrionales au monde où il n'y a pas d'hiver météorologique, à savoir que la température moyenne est supérieure à zéro tout au long de la saison. Les températures hivernales dans les sud-Lofoten forment la plus importante anomalie de température du monde liée à la latitude.

Røst est aussi au centre de la plupart des mythes et légendes des Lofoten. Mystérieuse, dangeureuse, Røst est aussi citée par des sources étrangères. Parmi celles-ci, on notera particulièrement l'incroyable épopée (sur laquelle nous reviendrons) des marins vénitiens sous les ordres du capitaine de vaisseau Pietro Querini, en 1432.

Entre mythe et réalité

Le phare de Skomvær constitue le dernier poste avancé vers l'Océan Atlantique. Kittelsen y habita 2 ans, confirmant ainsi que les Lofoten et en particulier Røst, marquent les esprits. Poètes, écrivains et artistes en tout genre venaient (viennent encore ?) y chercher l'inspiration.

Il faut dire que le lieu s'y prête et on ne compte plus le nombre de légende s'y rattachant. Et que dire de l'île fantastique qu'on dit se trouver à l'ouest, au large, entourée de brûmes : Utrøst ? Mystérieuse, cette île dérive, selon les dires, entre les mondes. En effet, Utrøst serait une métaphore de l'autre monde, une fin plus douce, plus joyeuse, pour les marins courageux.

Utrøst

Utrøst est l'ultime refuge des marins perdus et dérivants au gré des courants capricieux, aveuglés par le brouillard. Elle est aussi appellée île aux elfes, île aux trolls, île du petit-peuple... Son emblème, tout comme celui de Røst est le cormoran (Skarver en norvégien), comme nous l'apprend le conte Les cormorans de Utrøst (Skarvene fra Utrøst) de Peter Chr. Asbjørnsen.

On décrit Utrøst comme une île plate recouverte de céréales ondulant sous le soleil ou encore, comme une île où trône une table couverte de victuailles qui ne se dégarnie jamais. Elle serait la dernière étape des marins disparus en mer, un endroit calme dont le 'vieux de l'île' serait le gardien ou maître. On retrouve ce 'vieux' dans plusieurs autres contes. On dit que les cormorans sont ses fils. En fait, le vieil homme est l'image même de la mort douce.

Utrøst serait donc une sorte de réminiscence de ces mythes où l'au-delà prend des allures d'île verdoyante et accueillante (mythe de l'île verte celte, par exemple). La frontière entre les mondes serait représentée par le brouillard qui l'environne et la rend transparente, voire immaterielle. Cependant, selon Benjamin Guérif, Utrøst pourrait parfois se confondre avec Røst, l'île mythique suivant une sorte de cycle qui la conduirait à se 'matérialiser' en place et lieu de la pointe méridionale des lofoten, ses frontières devenant poreuses et laissant transpirer créatures et âmes.

Le cormoran joue, pour l'occasion, le rôle de lien entre les mondes.

Présentation des principaux contes et légendes

Des extraits ou résumé choisis, représentatifs des légendes des Lofoten

Naufragés

L'histoire vraie des naufragés vénitiens a été consignée par écrit par le capitaine, un marin et le secrétaire de bord. Trois mémoires unies pour se rappeler les horreurs d'un voyage aux allures de cauchemard.

Ce conte incroyable, oublié depuis longtemps en Norvège, a été réintroduit dans les lofoten par le pasteur Svensson, ecclésiastique suédois du 18ème siècle qui s'en est servi pour encenser une très imaginative dévotion religieuse qui aurait été à l'origine du sauvetage miraculeux des marins italiens.

Voici l'histoire de ces vénitiens :

Au mois d'avril 1431, Messer Pietro Querini, de Venise, appareille de Candie, en Crête, à destination des Flandres, avec 68 compagnons et associés. Après avoir traversé la Méditerranée et remonté la façade Atlantique, sous les pires auspices après la mort, avant même l'embarquement, du fils aîné de Querini, le navire, au moment d'entrer dans la Manche, est emporté par une tempête. L'effroyable histoire des marins vénitiens dans les mers froides commence.

Pendant des semaines, leur bateau va se désagréger peu à peu, emporté par des vents contraires et secoué par une formidable houle. Si bien que, dans le froid de plus en plus mordant et l'obscurité croissante de l'hiver boréal, l'équipage évacuera le navire à bord de deux barques. Ce seront là d'autres semaines de terreurs et de privations, de désespoir, d'angoisse et de mort : lorsque, au début de janvier 1432, la terre est en vue, il ne reste plus que 16 personnes agonisantes dans une unique embarcation. Mais rien n'est encore terminé. L'île sur laquelle ils se trouvent est nue, déserte et inhospitalière.

Un mois durant, les survivants vont se terrer dans un abri de fortune autour d'un maigre feu. Avant qu'ils ne soient saufs, cinq autre compagnons vont encore trépasser. En réalité, les tempêtes les ont jetés sur les rivages des Îles Lofoten, au nord de la Norvège ! La petite communauté de pêcheurs de l'île voisine - aux mœurs simples et affables que les naufragés crurent sorties tout droit du Paradis terrestre - les accueillera et leur permettra, le printemps venu, de retourner à Venise.

Les cormorans de Utrøst

Bernard Olivier Lancelot a eu l'amabilité, sur son blog, de faire un résumé de la légende très connue au Lofoten, des cormorans de Utrøst.

Je vous la livre ici même:

"De retour chez eux, il peut arriver que des pêcheurs du Nordland trouvent accroché à la barre un brin de blé ou une touffe d´orge dans le ventre d´un poisson. Ils savent alors qu´ils sont allés jusqu´à l´au-delà de Ut-Røst, jusqu´au pays des Huldres, comme il se dit dans les légendes du Nordland. Mais le pays ne se montre qu´à ceux qui sont pieux et prévoyants, qui sont en danger en mer et qui parviennent là où par ailleurs ne se trouve aucun pays"

(...) "Sur l´île de Værøy, au large des Lofoten, vivait un pauvre pêcheur qui ne possédait rien d´autres que son bateau et quelques chèvres que sa femme nourrissait de vidures de poissons ou de brins d´herbes qu´elle pouvait ramasser à la hâte sur la montagne; mais la maisonnée était pleine d´enfants qui avaient faim. Il se contentait pourtant de ce peu, puisque c´était ainsi que le Seigneur l´avait voulu pour lui. Isak ne se plaignait que de son voisin qui estimait qu´il devait avoir en toutes choses meilleur que ce que cette vermine d´Isak avait."

(...) "Un jour qu´Isak était sorti loin en mer, le brouillard se leva, et la tempête était si violente qu´il dut jeter par dessus bord tout le poisson pêché pour alléger le bateau et sauver sa vie. Après avoir résisté au vent et à la tempête cinq ou six heures, il pensa qu´il devait rencontrer le bout du monde. Mais il essuya un nouveau paquet d´eau; la tempête et les ténèbes du brouillard étaient pires que jamais. Il résistait comme il pouvait, suivait le sens des vagues et tournait au vent tournant, et finit par comprendre qu´il devait en être ainsi car il n´était que ballotté et n´atteignait aucun pays. Et voilà qu´il entendit un horrible bruit devant l´étrave, et il crut aussitôt que c´était le spectre de la mort qui poussait son cri. Il pria le Seigneur de prendre soin de sa femme et de ses enfants car il comprenait que sa dernière heure avait sonné; mais alors qu´il priait, il vit que quelque chose de noir brillait et quand il s´approcha il vit que ce n´était que trois cormorans posés sur une planche de bois, et zoup ! il les avait dépassés. Ce fut long et pénible, et il eut soif, et il eut si faim et fut si épuisé qu´il ne savait que faire et restait ainsi à moitié endormi, la main sur la barre; quand soudain le bateau s´échoua sur des galets et s´immobilisa. Il se peut qu´Isak leva les yeux. Le soleil transpercait le brouillard et brillait sur un beau pays verdoyant; les côteaux et les collines étaient verts de la base au sommet, et il sentait une senteur de germes et de fleurs qui était si douce que jamais auparavant il ne pouvait se souvenir d´en avoir senti de si douce.

-"Dieu soit loué, j´suis sauvé; j´suis sûr´ment à Ut-Røst".

(...) "un petit homme habillé de bleu était assis sur un tabouret, sucant une bouffarde; sa barbe était si grosse et si longue qu´elle lui couvrait la poitrine. - "Bienvenu à Ut-Røst" dit le bonhomme. -"Que Dieu bénisse notre rencontre, père", répondit Isak. -"C´est-y pas que vous m´connaissez ?". -"Ca se peut" dit le bonhomme. Tu veux p´t-être un toit pour la nuit ?" -" Moui ! Ca serait rud´ment bien ! Ca s´rait pour le mieux" dit Isak. -"Mes fils sont tous un peu toqués, ils ne supportent pas l´odeur du chrétien" dit le bonhomme. Tu n´les a pas rencontrés ?".

- "Non. J´ai pas rencontré d´autres que trois cormorans posés sur une planche de bois et qui criaient." répondit Isak.

- "Ouais, c´était mes fils, ca." dit le bonhomme, et tout en frappant sa pipe pour en jeter la cendre, il dit à Isak :

- "Tu peux toujours entrer. T´as sûr´ment faim et soif, à c´t´heure."

Isak trouva tout ce qu´un pêcheur du Nordland peut trouver. "Du lait caillé avec de la crème, des dorades, du rôti de renne, de la farine de foie avec du sirop et du fromage dessus, des piles de craquelins de Bergen, de l´eau-de-vie, et de la bière, et de l´hydromel, et tout ce qui peut être bon. Le Isak mangea et but autant qu´il pouvait, et rien n´était jamais vide. Et il avait beau boire, le verre était toujours aussi plein".

(...) Les cormorans s´installèrent près de lui et ils firent bon ménage. Encore à Ut-Røst, Isak se remit à pêcher, les cormorans l´accompagnèrent, "l´un tenait la barre, l´autre tendait la voile en raidissant l´amure, le troisième était second, et lui, l´Isak, devait se servir de la grande écope et suait sang et eau."

(...) Il fit des pêches miraculeuses, alla jusqu´à Bergen pour vendre son poisson et s´acheta un nouveau cotre flambant neuf. Puis il décida de rentrer chez lui. La veille du départ, le bonhomme du pays de Ut-Røst "monta à bord et le pria de ne pas les oublier, eux qui vivaient comme son voisin, car lui-même en était devenu un, et il prédit au Isak chance et bonheur avec le cotre".

(...) "Depuis ce temps, Isak avait rencontré le bonheur. Il savait d´où il venait (...) et chaque soir de Noël, c´était illuminé, le cotre était éclairé, et ils entendaient des violons, et des rires, et de l´animation, et sur le cotre il y avait danse à bord".

Conclusion

Les mythes à la peau dure

En Norvège, comme dans beaucoup d'autres pays à travers le monde, le folklore et les légendes sont encore bien vivants. Aux lofoten, lieu marquant, grandiose et inspirant, ceux-ci sont partie intégrante de la culture et de l'identité locale.

Force est de constater que malgré l'héritage et l'emprise du dogme chrétien, le fantastique et le surnaturel ont encore leur place dans la vie de tous les jours. Bien sûr, ces deux choses ne sont pas placées au même niveau, mais elles cohabitent en toute sérénité. Si la religion s'occupe de la partie morale et structurelle du monde, le folklore fantastique, lui, s'efforce de donner un visage identifiable et nommable à des réalités innacceptables.

Rudesse du climat, isolation, phénomène météorologique, tous ont leur part dans la vivacité des mythes des Lofoten.

Quand à l'aspect plutôt négatif de ces croyances, Régis Boyer répond : "conjuration". Et vous ?
Sommaire
  1. Le Maelström
  2. Pêche, navigation et surnaturel
  3. Røst et Utrøst
  4. Présentation des principaux contes et légendes
  5. Conclusion
Îles Lofoten
Îles Lofoten
Carte des Lofoten
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