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La huldra et le trappeur

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Cette histoire a été recueillie par le professeur Fosse, à Sogn (Ouest de la Norvège) dans le milieu des années 30. La traduction et l'adaptation de cette légende vous est proposée par moi-même (Souheil CHELFOUH).

Un habitant, natif de Systrand, passait un hiver à poser des collets et des pièges dans le but de prendre quelque animal. Il logeait avec son fidèle chien dans un refuge aménagé dans une église. Un après-midi, alors qu'il était occupé à cuisiner à même le sol, il entendit une sorte de petit bruit suspect. Quelque chose grattait dehors, contre le mur : phénomène étrange, étant donné que les murs de l'abri étaient en pierre et que le toit était fait de chaume.

Peu de temps après, quelqu'un s'engagea dans l'entrée et frappa à la porte. Le chien se mit à hurler et ses poils se dressèrent sur son échine... Entra alors une magnifique jeune fille. Le trappeur n'avait jamais vu une telle beauté. Elle portait un corset rouge et une longue jupe bleue, la ceignant parfaitement, mettant en valeur ses formes franches et généreuses. Elle avait de très longs cheveux clairs, d'un blond qui rappelait le blé des champs et qui lui tombaient jusqu'à la taille. Le jeune homme était sous le charme, ébahi de voir une telle apparition dans son refuge de fortune au milieu de l'hiver, à 10 km de toute habitation et avec une couche de neige d'une épaisseur à décourager les plus téméraires.

Elle commenca à lui parler, lui demandant gentiment s'il ne se sentait pas un peu seul, ici, au milieu de l'hiver, dans cet abri si isolé. Elle rit, parla, tournant, dansant, se pavanant devant lui. Le jeune homme ne pouvait rester insensible devant un tel spectacle. Enchanté, il répondait, riant et plaisantant avec elle, se sentant parfaitement à son aise, gagné par une allégresse soudaine. Sans plus attendre, il lui proposa de rester un peu plus avec lui, pour oublier sa solitude.

Une étrange expression passa sur le visage de la jeune fille qui lui tourna prestement le dos pour masquer son émoi. Le chasseur aperçut alors brievement une longue queue qu'elle tentait de camoufler sous sa jolie jupe bleue. Frappé de stupéfaction, il fit immédiatement le lien avec les histoires qu'il avait entendues sur les Huldra et leur goût prononcé pour les jeunes hommes chrétiens... Il se sentit défaillir a l'idee de l'apres midi qu'il venait de passer. Ne venait-il pas de faire une déclaration à cette jeune fille, ici même, dans une église ? Lorsqu'elle lui fit face de nouveau, le jeune homme n'avait plus le coeur à la fête et l'esprit à la plaisanterie; il ne se prêtait plus au jeu de la nymphe. Elle, continuait à rire et à plaisanter. Voyant son humeur sombre et son mutisme, elle lui demanda s'il y avait un souci ou s'il avait un problème avec les femmes... Il ne prit même pas la peine de répondre.

Dans la soirée, il trouva un prétexte pour s'éclipser un moment à l'exterieur, accompagné de son chien. La lune était pleine et haute, brillant de tous ses feux, éclairant la neige et la forêt hivernale. Mais quelque chose brillait et scintillait de façon presque aveuglante contre le mur de la vieille église, éclipsant l'astre. S'approchant, il découvrit que ce n'était autre chose que les skis de la Huldra. Entourés d'un halo de lumière, ils semblaient irradier.

Fasciné, le trappeur les examina soigneusement. Ils étaitent faits de bronze. Piqué par la curiosité, il les enfila, attrapa les bâtons et se lança dans la neige. Les skis étaient d'une facture exceptionnelle, glissant dans la neige avec une irréelle rapidité, tant et si bien que le chien n'arrivait même pas à le rattraper.

La Huldra restée seule dans le refuge commenca à s'impatienter et à se douter de s'être faite duper. Elle s'aventura à l'exterieur, cherchant de ses beaux et grands yeux, des traces de son prétendant. Elle ne mit pas longtemps à l'apercevoir, dévalant le flanc de montagne à toute allure. Se tournant vers le mur où elle avait laissé ses skis, elle se rendit compte qu'ils avaient disparu.

Furieuse, fulminant, elle comprit la traîtrise de celui qu'elle avait essayé de séduire. Elle chaussa les skis du chasseur, prit en main ses bâtons et se lança à sa poursuite. Les skis étaient d'une bien piètre qualité, faits de simples morceaux de bois de saule, mal sertis. Elle ne pouvait espérer le rattraper, lui qui utilisait ses skis magiques... Elle ne put rejoindre l'homme mais elle se vengea sur le chien à qui elle brisa l'échine d'un rageur coup de bâton. Le jeune homme put regagner son village sain et sauf.

On parle encore de cette aventure dans les chaumières du village. On raconte même que des skis en bronze sont toujours accrochés, à ce jour, au-dessus de la cheminée d'une ferme à Henja...

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