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Histoire de l'écosse 800-1286

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Traduction du chapitre 5 « consolidation et assimilation 800-1286 » tiré de Scotland, from prehistory to the present de Fiona Watson

Les invasions vikings


Le monastère sacré d’Iona est attaqué par les vikings en 795, mais n’est réellement mis à sac qu’en 802. Par cet acte, les Vikings s’attirent l’inimitié des populations autochtones, qui sont à l’époque, complètement christianisées, et qui condamnent à la fois leur violence et leur paganisme.

Et pourtant, les Vikings ont beaucoup contribué à l’histoire de l’Ecosse. En premier lieu, ils ont eu un grand impact politique. La dynastie Dal Riata, qui dominait aussi le royaume picte, fut également attaquée par les Vikings. Basés  à Fortriu (Pertshire), ces rois ne furent pas de taille à résister à leurs agresseurs, et échouèrent ainsi à leur fonction première : protéger leur peuple.

La dynastie fut donc renversée. Le véritable bénéficiaire de cette « intervention » viking fut Cinaed (ou Kenneth) MacAlpin qui devint roi des Scots et des Pictes vers 843.

Alors que les Vikings commençaient à s’installer, il fut vite démontré que les terres de l’extrême nord et les rives de l’ouest de l’Ecosse étaient trop loin pour être soumises à l’autorité naissante des rois d’Alba.

Les Vikings furent rapidement considérés comme une force par les politiques écossaise et irlandaise, plutôt que comme une nuisance temporaire. Ils furent dès lors invités à se joindre à la multitude d’alliances politiques et militaires que les Pictes, les Scots, les Britons et les Anglo-Saxons avaient développées depuis des siècles. Ils y engagèrent l’Ile de Man et l’Irlande, grâce à l’influence de leurs terres de l’ouest.

La Northumbrie était toujours un élément important de la politique anglaise et écossaise, mais l’émergence du royaume anglais dominé par le Wessex, combinée aux attaques dévastatrices des Vikings sur la côte est, l’avait beaucoup affaiblie. C’était de bon aloi pour le royaume naissant d’Alba, qui commençait à regarder vers les territoires au sud du Forth. (Et effectivement, la Northumbrie abandonna officiellement le Lothian à l’Alba en 973, même s’il fallut en persuader les anglais à la bataille de Carham en 1018).

D’un autre côté malheureusement, l’affaiblissement de la Northumbrie en faisait une cible pour les puissants rois du Wessex, qui dès lors menacèrent l’Alba, de manière à ce qu’elle n’envahisse pas le nord du royaume anglais. Ce conflit se termina par une bataille, en 937 à Brunanburh, au cours de laquelle Athelstan, roi du Wessex et de York, infligea une cruelle défaite militaire à Constantine d’Alba. C’est là que la frontière orientale commença à se former, même s’il fallut très longtemps aux rois d’Alba pour l’accepter et renoncer à aller plus au sud. Ils s’agrandirent plutôt vers l’ouest.

Le royaume briton de Strathclyde n’était pas non plus immunisé aux attaques Vikings et aux conflits perpétuels avec ses voisins. C’était même le plus mal loti au niveau voisinage, puisqu’il était complètement encerclé par des pouvoirs concurrents, dont le roi norvégien de Dublin. En 870, ce dernier, Olaf, réussit à prendre Dumbarton Rock, sans doute avec l’aide d’Alba, et il maria sa fille au chef des Hébrides du Nord : puissante alliance ! 

Mais l’effet secondaire de cette activité militaire était social et culturel. Les Gaels de la côte ouest qui ne faisaient pas partie d’Alba n’eurent pas d’autres choix que de cohabiter avec les envahisseurs norvégiens, et ils s’assimilèrent très vite les uns aux autres. Fait intéressant, c’est le gaélique qui survécut comme langue dominante, ce qui tend à montrer que c’est la population native qui « absorba » les Vikings, et non l’inverse, même si le chef politique était norvégien.

Avec l’établissement des rois norvégiens à l’ouest et d’un comté norvégien aux Orkneys (vers 880), les différents procédés qui avaient lieu avant 800 entre les peuples natifs (mariages mixtes, mélanges culturels) s’élargirent pour inclure la culture viking. Par exemple, au moins un roi d’Alba se vantait d’un nom norvégien. La plus grande barrière à une assimilation plus large fût sûrement le fait que les Vikings préférèrent leurs croyances païennes au christianisme jusqu’au milieu du XIè siècle. Mais une fois christianisés, ils devinrent des membres à part entière de ce monde culturel élargi.

La faiblesse de la Northumbrie et du Strathclyde permit certainement à l’Alba de se renforcer plus facilement à l’intérieur, et également de commencer à étendre son territoire. Mais ce n’était pas tâche facile : l’Alba, comme le Pictland avant elle, butait contre sa frontière politique, qui coïncidait avec la barrière naturelle des Grampians mountains. Témoin du renforcement intérieur, l’abandon progressif des forteresses royales du début du Moyen Age, qui n’étaient plus utiles au neuvième siècle. Leurs emplacements reflétaient des préoccupations stratégiques d’un autre âge, même si elles étaient toujours utiles en tant qu’habitations. Les résidences du début du Moyen Age étaient du reste toujours en fonction : forts dans les collines, crannogs, palais dans les plaines, et sans doute les maisons basses en bois du commun.

 


Emergence de la nation d'Alba et importance de l'Eglise


Même si l’on attache la création d’Alba soit au règne de Kenneth macAlpin, soit aux rois Fortriu du Pictland et du Dal Riata, ceux qui vivaient en Ecosse à ce moment-là n’étaient certainement pas conscients qu’ils vivaient dans un état écossais embryonnaire. Cependant, vers 900, on trouve les premières références explicites à « Alba », utilisé pour la première fois en tant que nouvelle entité politique, et démontrant un effort conscient pour ignorer le passé picte. Les contemporains avaient donc clairement senti un changement significatif.

D’un autre côté, on doit se rappeler que ceux qui utilisaient ce terme (les élites de l’Eglise et de l’Etat) étaient aussi ceux qui avaient le plus à gagner en encourageant la loyauté à l’Alba. Ca ne veut pas forcément dire que la plupart des Ecossais avaient senti un changement, et beaucoup, comme ceux du nord, résistaient totalement à cette nouvelle idée. (attention, l’Alba ne correspond pas à l’Ecosse telle qu’on la connaît aujourd’hui. Les frontières actuelles résultent d’une considérable expansion au sud, à l’ouest et au nord, et n’étaient pas prédestinées).

L’Eglise a joué un rôle crucial dans le développement de l’Alba. Elle avait des intérêts, souvent louables, pour promouvoir un royaume fort. L’unité sous un royaume consolidé permettait un amoindrissement des rivalités constantes et violentes, qui étaient courantes auparavant. La stabilité a également encouragé le développement économique, avec lequel l’Eglise a toujours voulu être impliquée. En tant que bras droits des rois, les principaux hommes d’Eglise d’Ecosse ont joué un rôle à la fois interne (en maintenant le gouvernement) et externe (en tant qu’envoyés représentant le pays dans un contexte international). Leur loyauté était censément acquise en premier lieu au pape à Rome (dont l’influence et le pouvoir connurent un avancement spectaculaire autour de l’an mil), mais elle coincidait souvent avec les intérêts de l’Etat.

Bien qu’ayant beaucoup souffert des Vikings, le monastère d’Iona ne ferma pas complètement. On pense désormais que c’est de là que vient le « Book of Kells », écrit aux alentours de l’an mil, et qui montrent l’amour de la noblesse pour des objets chrétiens de grande qualité. Etant donné le rôle-clé de Colomba et d’Iona au sein du Dal Riata, il n’est pas étonnant que le monastère ait continué à avoir une suprématie sur le Pictland et la création d’Alba. De nombreux rois écossais continuèrent à y être enterrés jusqu’à la fin du XIè siècle, et Columba est resté Le saint écossais, jusqu’à ce qu’il soit détrôné par Andrew. Andrew à la différence de Columba n’est jamais venu en Ecosse, mais ses os y seraient arrivés au VIIIè siècle. Les reliques avaient une grande importance.

Le pouvoir s’était accumulé à l’Est, profitant de l’affaiblissement du Pictland et de l’activité viking, et cela eut des répercussions sur l’église écossaise. Même si Iona fonctionnait toujours, sa position était précaire. De nouveaux centres religieux, moins vulnérables, s’étaient constitués, plus près du cœur du pouvoir politique en Ecosse du centre-est, dont les deux plus importants étaient Dunkeld et Kinrymont/Saint Andrews. Ces centres devinrent souvent des évèchés, leurs chefs jouant un rôle clé dans la hiérarchie ecclésiastique comme étatique.

 


Evolution de lanoblesse, de la société et du pouvoir royal


Le pouvoir séculier commençait également à devenir hautement organisé. Le roi et la noblesse, qui s’étaient surtout consacrés, pendant la première partie du millénaire, à la guerre et au culte du guerrier, redéfinissaient leurs rôles. Les nobles devenaient aussi les bras-droits du roi, mais souvent de manière plus personnelle et plus proche que leurs alter ego ecclésiastiques. Ils devaient toujours leur position à leur capacités à la guerre, mais les terres et titres qu’ils possédaient donnaient à leurs fils le moyen d’entrer dans ce cercle fermé. Ainsi, bien que la noblesse ne soit pas encore techniquement héritée par le sang, et qu’il y ait toujours moyen pour un homme de talent de s’élever, l’élite de la société commençait à se cristalliser.

Le système d’administration, qui soutenait à la fois les propriétés individuelles nobles et le royaume lui-même, gravitait, logiquement autour de la capacité de la nation à se nourrir elle-même. Les taxes, que l’on collectait à travers tout le pays, englobaient à la fois les provisions de nourriture et l’hospitalité générale. L’argent était encore regardé comme une forme inutile de taxe (on ne peut pas le manger), et l’Ecosse ne frappait pas encore sa propre monnaie.

Les basses classes restaient au même endroit, travaillant pour produire assez pour eux-mêmes et leurs supérieurs. Les élites bougeaient, effectuant leurs tâches administratives (mais aussi des activités de loisir), et infligeaient le fardeau de leur présence sur un large territoire.

Comme les Anglais, les Ecossais avaient développé leur propre système de gouvernement et d’administration avant que les Normands n’arrivent en Angleterre et n’y redéfinissent les pratiques. En Ecosse, les officiers séculiers clés étaient les « mormaers », qui tenaient le pouvoir régional, et étaient sans doute les descendants de précédents roitelets, et les « thanes ».  Les mormaers, qui par la suite se sont souvent transformés d’eux-mêmes en comtes (« earls ») avaient pour responsabilité principale d’organiser leur localité pour la guerre, et de former le cercle des amis et conseillers proches du roi.

Peut-être n’appréciaient ils pas toujours ce rôle évidemment subordonné dans la nouvelle Ecosse, et en particulier ceux qui étaient le plus loin du pouvoir royal se comportaient souvent comme s’ils étaient toujours effectivement indépendants.

Tant que les luttes de pouvoir pour le trône restaient communes, les opportunités de pousser son avantage politique en supportant un candidat après l’autre restaient tentantes, même si les conséquences d’un échec pouvaient être désastreuses. Néanmoins, la stabilité grandissante de la lignée royale au commencement du XIIè siècle signifie que les récompenses des actions indépendantes commençaient à perdre leur attrait devant les avantages d’un service royal loyal.

Les thanes étaient la colonne vertébrale de l’administration royale et noble, et leur responsabilité principale était la collecte des taxes. Eux aussi étaient des hommes importants, vivant dans des bâtiments ostentatoires, avec le style de vie qui va avec.

La situation était complexe. Il y avait une sorte de classe du milieu, bien avant que l’on ne commence à parler de classe moyenne. Ces gens étaient souvent des fermiers importants, qui avaient une voix écoutée au sein de la communauté locale, même s’ils ne pouvaient pas dire grand-chose au niveau de l’Etat. Etant donné que la majeure partie de l’administration, et donc de l’autorité, restait enracinée à un niveau local en Ecosse (au contraire de l’Angleterre où c’était devenu extraordinairement centralisé), les cercles concentriques de pouvoir étaient répliqués à travers la société et étaient au moins aussi importants.


Le règne de MacBeth et de ses successeurs


L’infamante histoire de MacBeth, Duncan et Malcolm, même si elle en dit plus sur le monde du début du XVIIè siècle de Shakespeare, illustre beaucoup des thèmes évoqués ci-dessus. Macbeth et sa femme Gruoch, en tant que membres de la famille royale, ont des raisons de croire qu’ils succèderont au roi sur le trône d’Ecosse à la mort du roi Malcolm en 1034. Cependant, Duncan, le fils de la fille de Malcolm, devient roi (ce qui est plutôt inhabituel : utiliser des descendants par les femmes était généralement évité à moins qu’il n’y ait pas d’autre alternative). Ce ne fut pas vraiment un choix populaire, d’autant plus que son incompétence militaire fut prouvée, après qu’il soit devenu roi. Les revendications de Macbeth, autant que son indépendance en tant que souverain de Moray, obligèrent Duncan à mener une armée dans le nord en 1040, mais le roi subit une défaite dans la bataille et son rival prit sa couronne.

Comme nous l’avons déjà mentionné, cela fit dériver le pouvoir politique loin de son centre (Pertshire du sud) vers le nord, aussi parce que le Comte Thorfinn des Orkneys avait aidé Macbeth a obtenir le trône. Néanmoins, le règne de 17 ans de Macbeth ne fut certainement pas vain selon les standards de l’époque, même s’il a eu ses problèmes, particulièrement à travers sa relation avec le puissant comte orcadien. Sa chute finale en 1057 des mains de Malcolm, le fils de Duncan, ne put être accomplie qu’avec l’aide du comte Sigurd de Northumberland.

Le rôle joué par Macduff dans la version de Shakespeare reflète peut-être également les anxiétés des puissants nobles écossais des lowlands, réagissant contre la menace pour leurs intérêts que pouvait représenter le décalage du pouvoir vers le nord.

Cependant, la prise de possession du trône par Malcolm marque à la fois une fin et un début dans la politique écossaise. Grâce au règne fructueux de ce nouveau roi, et à la foison de garçons qu’il engendra pour lui succéder, 1057 tire un trait sur les querelles dynastiques qui avaient affligées la royauté avant cette date. Il y eut certainement des défis à la dynastie des MacMalcolm, par des descendants de rois précédents comme les MacWilliams et les MacHeths, mais ils commençaient à être présentés, au moins par le gouvernement central, comme une résistance de sujets rebelles, plus que comme la querelle traditionnelle pour la royauté.

Cependant, même s’il avait été plutôt habituel d’impliquer les Northumbriens dans les guerres contre des royaumes rivaux dans les siècles précédents, la participation d’un puissant noble anglais dans l’accession au pouvoir de Malcolm se révéla être une bénédiction contestée.

 

Influence des Normands, apparition de la féodalité et évolution de la société


L’influence anglaise sur l’Ecosse est un thème constant et justifiable dans l’histoire écossaise, tant que cette influence est traitée dans le contexte et n’est pas vue comme le seul élément qui définit le développement du royaume du nord. Un des aspects les plus significatifs et les plus controversés de cette inter-relation entre les deux pays est sûrement l’arrivée et la conséquente diffusion (et non invasion) des Normands en Ecosse, et l’introduction de l’usage du féodalisme.

Le terme féodalisme convient tout à fait, s’il est utilisé correctement. Cependant, il semblerait qu’il soit devenu un concentré d’images trompeuses et fausses.

A la fois pour l’Ecosse et l’Angleterre, la plupart des innovations apparentes dans le gouvernement et l’organisation sociale et militaire sont souvent attribuées aux Normands. Mais c’est sans doute plutôt dû à leur nette habitude de tout écrire.

L’Ecosse avait déjà un système efficace d’administration. Beaucoup des « nouvelles » unités administratives et ecclésiastiques, qui semblent avoir pris racine dans le siècle  après 1066 – shérifs et évèques par exemple – étaient presque certainement fondées sur d’autres unités plus anciennes.

Le roi rencontrait sûrement ses conseillers principaux à chaque fois qu’une affaire d’Etat nécessitait une consultation, bien avant que l’influence normande ne lui inspire de l’appeler un parlement.

Nous devrions également noter que la principale activité parlementaire en Angleterre – obtenir un accord sur l’impôt – n’était absolument pas nécessaire en Ecosse (elle ne le sera que bien plus tard), simplement parce que une mobilisation régulière des masses pour la guerre, qui souvent augmentait le besoin d’impôts, était une occurrence très rare.

La première raison d’être de la féodalité est de rassembler une armée et de conserver le territoire. En Ecosse, on obtint une cavalerie en utilisant le modèle féodal qui consistait à donner de la terre contre 40 jours de service militaire annuel. D’un autre côté, le vieux système celtique de recruter des soldats à pieds, utilisés pendant des siècles par les mormaers/earls, parmi les hommes valides de chaque région, resta la méthode basique.

Le fait que la cavalerie en particulier ne fût jamais ni très efficace ni très nombreuse illustre le fait que dans les premiers siècles après l’an mil, l’utilisation de la main d’œuvre écossaise dans sa capacité militaire commencait graduellement à diminuer en importance.

Et pourtant la période après l’accession de Malcolm III (à partir de 1057) fut témoin d’extraordinaires développements dans de nombreux aspects de la vie politique et sociale. Ou peut-être seulement que cela semble extraordinaire parce que les historiens ont enfin les commencements d’une masse de documents avec lesquels ils peuvent travailler.

Quoiqu’il en soit, nous avons désormais une compréhension bien plus claire de comment le gouvernement et l’administration écossais, à la fois séculière et religieuse, marchaient à tous les niveaux.

Pour la grande majorité des écossais, la vie n’a pas due être transformée d’aucune manière fondamentale. Le plus grand changement, pour les fermiers cultivateurs, prit place aux alentours du IXè siècle, avec l’introduction de la charrue « mouldboard », qui permettait de cultiver et de retourner des sols beaucoup plus lourds, en faisant de profonds sillons.

Les établissements, comme toujours, ne suivirent pas un seul schéma, mais retombaient souvent dans deux types basiques : de tout petits hameaux en essaim, associés avec les terres arables, et donc généralement avec les lowlands ; et des fermes éparpillées, plus utile pour garder les animaux, et donc plus fréquentes dans les uplands.

Le système de cultures – d’étroites bandes de terre, divisées annuellement en lots parmi la communauté fermière – a été très critiqué, surtout par les progressistes du XVIIIè siècle, qui le virent, avec raison, comme une barrière à l’investissement, et donc au profit. Mais comme la société était organisée en priorité autour du besoin de sustenter la communauté, c’était à la fois un moyen sensible et juste pour que chacun partage les bonnes et les mauvaises terres.

D’un point de vue social, le peuple médiéval était divisé en deux groupes fondamentaux : les hommes libres et les autres. Ces derniers, les serfs, n’étaient en aucun cas les plus pauvres de la société, mais ils souffraient de leur basique handicap économique de ne pas pouvoir quitter la propriété de leur maitre, et du stigmate social de transmettre ce statut ingrat à leurs enfants. Les serfs étaient une propriété pure et simple, même si l’on s’en occupait bien, et l’on ne devrait pas être surpris de constater que beaucoup d’entre eux auraient bravé même des conditions économiques défavorables pour être libres.

La majeure partie de la population libre comprenait bien sûr un assortiment d’inégalités. Tout en bas de l’échelle, venait les laboureurs sans terre. A un moment d’explosion démographique, comme c’était le cas aux XII et XIIIè siècles, leur situation était effectivement difficile, puisque la main d’œuvre était si nombreuse et si peu chère. Cependant, la plupart de la population possédait au moins un potager à partir duquel ils pouvaient fournir les besoins basiques de la famille.

Les fermiers plus aisés non seulement cultivaient de plus grandes zones de terre, mais ils en engageaient d’autres pour travailler pour eux. Le mauvais côté des choses était le temps passé à cultiver les terres du propriétaire des terres, et la pléthore de devoirs et de services qu’il réclamait également.

Vous saviez que vous étiez arrivés dans le club fermé des élites possessurs de terres quand vous ne deviez aucun service de labour à personne. Bien sûr, vous deviez une autre sorte de service.

Ayant conquis l’Angleterre, les nouveux monarques normands se trouvèrent face à l’opportunité inhabituelle de rationaliser les systèmes existants, comme le montre l’exemple du Domesday Book des années 1080.

La plupart de ces rois se montrèrent des législateurs zélés, mais par-dessus tout ils aimaient les choses nettes, en ordre et anglaises, dans le sens qu’ils voulaient tout embrasser à un niveau national.

En Ecosse, la législation nationale existait, mais les rois des écossais se gardaient bien d’interférer avec toutes les couches existantes de la loi régionale. Cependant, ils exercèrent un contrôle plus strict sur la plupart de l’Ecosse (à l’exception des comtés et des autres seigneuries majeures) en établissant de manière formelle des « sheriffdoms », dont la plupart étaient en place au milieu du XIIè siècle. Le sheriff était l’officier royal clé au niveau local, responsable d’engranger les revenus nécessaires pour maintenir la maison royale et le gouvernement national et d’administrer la justice royale à la population locale. Les genres d’hommes qui avaient été autrefois thanes devinrent désormais shériffs, même si les comtes pouvaient également avoir leurs propres thanes.


Le règne de David Ier (1124-53) et les ordres monastiques réformés


De nombreuses révolutions associées avec l’influence normande peuvent être attribuées au règne de David Ier (1124-53). Etant le plus jeune fils de Malcolm III et de sa sainte femme Margaret, David avait passé son adolescence en Angleterre, où il avait des terres considérables et où, après 1100, sa sœur était reine. En tant que propriétaire foncier dans le Lothian avant de devenir roi, cet homme énergique avait déjà mis en place les pratiques normandes, sans mentionner ses amis normands. Maintenant, il pouvait l’étendre au royaume.

Mais David n’eut aucune hésitation quand il fallut défendre l’indépendance écossaise face aux menaces d’Angleterre, et il fut en fait l’un des rois écossais ayant eu le plus de succès, en ce qui concerne l’extension du territoire écossais vers le sud.

Même la défaite à la bataille de Standard en 1138, quand David pour la première fois se retourna contre ses précédents hôtes (à leur dégout), échoua à entamer son enthousiasme à pénétrer dans le vieux royaume northumbrien.

Cependant, cette bataille, qui aurait aussi pu être perdue à cause de la décision de David de permettre à l’infanterie sauvage galwegienne (« galwegian ») de faire la première charge au lieu de la cavalerie, indique aussi les limites du pouvoir d’un roi des Scots. Le comportement général des Galwegians, qui suivaient simplement leur propres traditions militaires, qui incluaient toujours l’usage de l’esclavage, choqua les sensibilités normandes, et pas seulement dans l’armée anglaise.

Le roi David réussit, au moins temporairement, à étendre le territoire écossais jusque’en Cumbrie en particulier, en faisant de Carlisle une base royale écossaise, et en gagnant un accès aux mines d’argent de Cumbrie qui enfin commencent à produire les premières pièces écossaises. Cependant, ce succès était fondé sur l’instabilité temporaire anglaise, causée par l’âpre guerre civile due à la succession du roi Henri I.

Une fois cette succession réglée, la propre mort de David assura au rusé roi Henri II qu’il était capable de restaurer les frontières dans leur position précédente.

L’héritage principal de David Ier fut peut-être moins ses réformes administratives séculières – même s’il était certainement actif en amenant des parties de Lothian et d’Ecosse du centre-est en particulier jusqu’au standard normands – et plus le fait qu’il encouragea activement l’introduction en Ecosse d’une nouvelle force dynamique : les ordres monastiques réformés.

Cela marqua une nouvelle phase dans le développement économique, aussi bien que spirituel, de l’Europe de l’ouest. Ces nouveaux ordres attiraient l’attention, et le patronage, des élites séculières pour un certain nombre de raisons, dont la moindre n’était pas le fait que leur discipline ouverte et leur rigueur spirituelle promettait un passage bien plus facile vers le ciel pour le donneur, sa famille et ses ancêtres. De telles considérations valaient bien chaque penny de revenus tirés des grandes étendues de terres que des hommes comme David leur offraient.

Une fois qu’on leur eut donné de tels cadeaux, les moins s’efforcèrent d’éviter les règles du monde et les régulations, de manière à assurer que cette terre soit travaillée de la manière la plus productive possible. Nous ne devrions pas être trop cynique à propos de la logique qui se tient derrière cette saine idéologie capitaliste, et qui semble, pour l’œil moderne, se cacher derrière cette activité monastique. Créer de la richesse était la route la plus sûre pour permettre aux moines de réaliser les desseins de Dieu pour les croyants ici sur la terre. Le fait qu’ils soient les interprètes, sous la direction du pape à Rome, de ces desseins, faisant de tout le processus un cycle fermé, n’entrait pas dans la tête de la plupart des croyants médiévaux.

Nous devrions considérer la fermeté avec laquelle ils agissaient, déménageant souvent par la force les tenanciers actuels qui avaient des droits particuliers, de manière à ce que la terre soit travaillée par des frères « lays » seulement dans les intérêts du monastère, avec un sain scepticisme.

Néanmoins, l’exemple que ces moines présentait aux propriétaires terriens en termes d’organisation de propriété et d’intérêt dans le développement des marchés européens fut sans doute d’une grande aide pour stimuler l’économie écossaise.

La zone principale de développement économique dans laquelle l’Ecosse vint à exceller à cette période fut le commerce de la laine, qui alimentait la beaucoup plus grande et extrèmement lucrative industrie du tissu. Avant 1300, l’Ecosse pouvait même affirmer exporter plus de laine et de peaux par habitant que l’Angleterre, même si c’était dans les  plus basses qualités du marché.


Les îles


La Norvège, en résultat des conquêtes vikings du nord et de l’ouest jusqu’à l’île de Man et l’Irlande, possédait techniquement ce vaste territoire à l’ouest d’Alba. Un certain degré de stabilité fut amené dans cette zone par le traité entre le roi Magnus « Barelegs » de Norvège et le roi Edgar d’Ecosse en 1098, qui établissait qui possédait quoi : Alba/Ecosse possédait la terre principale, mais les îles de l’ouest restaient norvégiennes. Cependant, cela n’empêchat pas les rois écossais suivants de continuer à essayer d’imposer leur autorité dans le territoire norvégien. Les chefs des royaumes « norse-gaelics » de l’ouest auraient préféré  ne devoir d’allégeance à personne, mais, s’ils avaient à choisir, ils préféraient généralement le roi de Norvège au roi des Scots, simplement parce que le premier avait moins de chances d’intervenir, pour des raisons géographiques.

Les îles de l’ouest seront vendues par la Norvège à l’Ecosse en 1266.

Pour information, c’est seulement en 1469 que les Orkneys et les Shetland reviendront à l’Ecosse, par le mariage du roi d’Ecosse James III avec Margaret du Danemark.

 

Chronologie

790 : les Vikings commencent à explorer les côtes ouest de l’Ecosse

843 : Kenneth MacAlpin devient le roi des Scots et des Pictes

870 : Les Norvégiens s’emparent de Dumbarton Rock sur la Clyde

c. 900 : Première référence à l’Alba, union des royaumes picte et scot

937 : les Scots sont battus par les Anglo-Saxons à Brunanburh

1018 : Le Lothian et les Marches (auparavant anglo-saxons) font partie de l’Ecosse après la bataille de Carham.

1040 : Macbeth s’empare du trône écossais après avoir vaincu le roi Duncan

1057 : Le fils de Duncan, Malcolm III, prend le trône écossais après avoir tué Macbeth

1098 : Accord entre le roi Edgar d’Ecosse et Magnus « Barelegs » de Norvège : les Norvégiens tiennent les îles de l’ouest et les Ecossais la terre principale (« mainland »).

1124 : Avènement du plus jeune fils de Malcolm III, David Ier

1138 : Les Scots perdent la bataille de Standard contre les Anglais

1164 :  Mort de Somerled, le roi des Iles, à Renfrew, alors qu’il essayait de repousser l’expansion écossaise vers l’ouest, en violation de l’accord de 1098.

1192 : Le pape accorde une protection spéciale à l’église écossaise

1263 : Bataille de Largs entre les Scots et les Norvégiens pour le contrôle des îles de l’ouest. Cette bataille ne résout rien.

1266 : Les îles de l’ouest sont vendues par la Norvège à l’Ecosse.

1286 : Mort d’Alexandre III, roi des Scots, sans héritier mâle.


 

Liste des rois

La date est celle du début de règne :

843 - Kenneth I Macalpin

858 – Donald I

862 – Constantine I

877 – Aed

878 – Eochaid et Giric

889 – Donald II

900 – Constantine II

943 – Malcolm I

954 – Indulf

962 – Dubh

966 – Culen

971 – Kenneth II

995 – Constantine III

? 997 – Kenneth III

? 997 – Giric

1005 – Malcolm II

1034 – Duncan I

1040 – Macbeth

1057 – Lulach

1058 – Malcolm III

1093 – Donald Ban

1094 – Duncan II

1097 – Edgar

1107 – Alexander I

1124 – David I

1153 – Malcolm IV “The maiden”

1165 – William I “The Lion”

1214 – Alexander II

1249 – Alexander III

1286 – Interregnum

 

 

Arbres généalogiques

(Scanner les deux et les insérer)

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