Biographie d'Aislinn Ragnhild Ryan Mac Morda
Fille de Mael Morda, roi du Leinster, et de Gerleota, la sœur du roi Sigurd des Orkneys Aislinn naît en 995.
Aislinn naît en 995. C’est la fille de Mael Morda, roi du Leinster, et de Gerleota, la sœur du roi Sigurd des Orkneys. Sigurd et Mael Morda sont alliés de longue date, et pour concrétiser leur accord, Sigurd a offert en mariage à Mael Morda une de ses sœurs : Gerleota. La mère de Sigurd et de ses sœurs (et donc la grand-mère d’Aislinn) est Audna Kjarvalsdatter (en gaélique Edna mac Cervaill). Connue par les chrétiens, qui l’appellent la « sorcière », elle est en réalité une des dernières initiées des anciennes religions, adepte d’Odhinn, et elle est révérée parmi les païens.
Quand Gerleota, peu de temps après son mariage, tombe enceinte, Audna a immédiatement une vision : l’enfant à naître sera une fille : l’héritière et la dépositaire du savoir de sa grand-mère. Audna fait donc le voyage jusqu’à la cour de Mael Morda. Elle lui révéle que l’enfant sera une fille et qu’elle veut en faire l’héritière de ses connaissances et de son pouvoir. Il faut par conséquent qu’on la lui confie dès sa naissance. Mael Morda, quoique chrétien, craint les pouvoirs de sa terrible belle-mère.
Il décide donc d’accéder à sa requête, à deux conditions : premièrement, quel que soit le nom qu’elle lui donnera, son ascendance royale devra être explicite ; deuxièmement, l’enfant sera élevée aux Orkneys par Audna durant deux fois sept ans, mais au terme de cette période, elle reviendra au Leinster auprès de son père, pour servir éventuellement ses politiques matrimoniales. L’accord est donc scellé, et Audna revient aux Orkneys accompagnée de sa fille.
A sa naissance, l’enfant reçoit donc deux prénoms principaux, l’un celte et l’autre scandinave, pour témoigner de sa double ascendance. Elle est tout d’abord prénommée Aislinn, ce qui signifie le songe et la vision, car sa venue a ainsi été annoncée à sa grand-mère. Elle reçoit ensuite le prénom de Ragnhild, « la guerrière des dieux », puisqu’elle sera l’un des derniers défenseurs des anciennes religions face au christianisme montant. Enfin, pour respecter son engagement auprès de Mael Morda, Audna lui concède un troisième prénom : Ryan, ou « royale », puisqu’elle est fille et nièce de rois.
Après ses relevailles, Gerleota retourne auprès de son époux, et le problème se pose donc de l’allaitement de la jeune princesse. Audna ne veut pas confier cette responsabilité à n’importe qui. Elle veut que sa petite fille soit nourrie par le lait d’une femme respectueuse des anciens dieux. Elle entend parler de l’épouse d’un guerrier de Sigurd, qui a accouché il y a quelques mois à peine d’une jeune garçon, qu’elle a prénommé Vidar, en l’honneur du fils d’Odhinn. C’est à cette femme qu’Aislinn va être confiée, et c’est ainsi qu’elle devient sœur de lait de Vidar. Pendant les premières années de leur vie, les deux enfants ne se quittent pas, et sont élevés ensemble.
Mais au bout de sept ans, leur éducation véritable doit commencer : Vidar doit désormais s’entraîner pour devenir un guerrier comme son père, et Ragnhild devient l’apprentie de sa grand-mère. Ils restent les meilleurs amis du monde, mais se voient fort peu désormais.
Au terme d’un cycle de sept nouvelles années, son apprentissage principal est terminé, et conformément à ce qui avait été décidé, elle est renvoyée à la cour de son père. Celui-ci la trouve beaucoup moins docile à sa volonté que ses nombreux autres enfants. Comme elle est encore jeune, et dotée d’un fort caractère, ainsi que d’une partie des pouvoirs d’Audna, Mael Morda décide de la laisser en paix et plus ou moins libre de faire ce qui lui plaît. Elle refuse catégoriquement, de toute façon, tous les hommes que son père désirerait lui faire épouser. Il lui est plus facile de faire plier ses autres filles à ses désirs.
Ragnhild poursuit donc son apprentissage seule au Leinster, et se débrouille également pour faire de fréquents séjours aux Orkneys.
Au début de l’année 1014, elle reçoit un message de sa grand-mère lui demandant de venir la voir de toute urgence, avant la date qui avait été décidée pour sa visite. Sans se soucier de seulement demander l’autorisation à son père (qui aurait sans doute refusé, vu les rumeurs de guerre), elle se met en route immédiatement. Arrivée aux Orkneys, au terme d’un voyage sans embûches, sa grand-mère la met immédiatement au courant de la guerre qui ne va pas tarder à se déclencher, et qui aura des conséquences funestes et importantes. « Ton oncle et ton père vont partir batailler, et ils auront bien besoin contre Brian Boru, de toute la force d’Odhinn ». Audna, avec l’aide de sa petite fille, tisse la bannière magique d’Odhinn, où chaque fil est investi d’une prière et d’un pouvoir propre. Comme elle l’explique à Sigurd un peu plus tard, cette bannière, si elle est portée à la bataille, assurera la victoire à leur camp, mais provoquera la mort de celui qui la porte. Elle déclare également à son fils qu’il trouvera la mort dans cette bataille : « Je t'aurai élevé dans ma corbeille à laine si j'avais su que tu allais devoir vivre éternellement. Mais le destin décide de la vie de l'homme où qu'il se trouve : mieux vaut mourir avec honneur que vivre dans la honte. Prends donc cette bannière que j'ai confectionnée pour toi en usant de tout mon savoir. J'en attends qu'elle apporte la victoire à celui pour qui elle est portée, mais mort à celui qui la porte » (La Saga des Orcadiens, traduite par Jean Renaud, chapitre, XI).
La bannière terminée, et alors qu’Aislinn se demande si elle doit rentrer auprès de son père, sa grand-mère lui déclare : « tu es la protectrice de la bannière. Tu dois la suivre partout où elle ira, et empêcher qu’elle ne tombe en d’autres mains que les nôtres, et principalement la sauver des chrétiens, qui la détruirait sans comprendre son pouvoir. Ton oncle mourra lors de cette bataille, et alors le corbeau d’Odhinn risque d’être perdu. Pour éviter cela, je t’envoie comme gardienne. Tu seras parmi les femmes qui suivent les armées et personne ne doit connaître ta réelle identité. Sinon, on t’empêcherait de te trouver au cœur de la bataille. Trouve un guerrier, en lequel tu as confiance, et à qui tu confieras qui tu es, pour qu’il te protège, mais ne confie à personne l’objet de ta mission.» Tout naturellement, Aislinn se tourne vers son frère de lait Vidar, qu’elle réussit à convaincre, à force de persuasion, de la laisser suivre l’armée sans rien en dire à personne, mais de veiller sur elle. De toute façon, Vidar connaît l’obstination bornée de la jeune femme : elle suivra cette armée, qu’il le veuille ou non…
Et c’est ainsi qu’Aislinn assiste au déroulement de la bataille de Clontarf, qu’elle voit le changement de mains de la bannière jusqu’à ce qu’elle parvienne à son oncle. Et elle est alors témoin du sacrilège insigne de Sigurd, et de sa fin. Cependant, la bataille fait rage autour du cadavre de son oncle, à tel point que Ragnhild ne peut s’en approcher. Elle ne cesse de craindre que la bannière soit volée avant qu’elle ait pu s’en emparer. Soudain, la chance semble lui sourire, de grandes clameurs sortent d’un petit bois en contrebas, et tous les hommes encore combattant se tournent de ce côté. Tous se précipitent, aux cris de : « on a tué Brian Boru ! », « il a été assassiné !! ». Ragnhild, quant à elle, se moque éperdument de ce qui a pu arriver à l’adversaire de son père, et elle profite de l’abandon bienvenu du champ de bataille pour se précipiter vers Sigurd et récupérer le corbeau d’Odhinn. Une fois la bannière en sécurité sur elle, elle s’accorde un moment pour s’attarder sur le corps de son oncle et pour le pleurer : après tout, c’est lui qui a le plus tenu le rôle de père pour elle lors de son enfance aux Orkneys. Mais alors qu’elle est penchée sur le corps, prostrée dans sa tristesse, elle reçoit un violent coup sur le crâne et se sent enlevée sur le dos d’un cheval.
Quand elle revient à elle, elle est sur un bateau entourée de plusieurs hommes, à l’aspect rustre. L’un d’entre eux (elle saura plus tard qu’il s’appelle Faelan) lui lance des regards particulièrement haineux. Elle apprend qu’elle a été enlevée par Aed Morban et sa compagnie de mercenaires : la compagnie de la Branche Rouge, alors qu’ils fuyaient le champ de bataille. Aed sait qui elle est, il l’a vue avec Sigurd et Audna lors de ses séjours en Ecosse : « nous tirerons une forte rançon de ta capture ! même si Sigurd et Mael Morda sont morts, ta grand-mère est toujours en vie, et tu es son élève. Elle paiera pour toi ! » Et c’est par cette grande délicatesse d’Aed, qu’Aislinn apprend la mort de son père, en plus de celle de son oncle.
Arrivés sur les côtes franques, la compagnie y attend la rançon. Aislinn est relativement libre : elle sait qu’il ne lui servirait à rien de s’enfuir à pied ; elle attend donc calmement. Elle et Aed morban passent de plus en plus de temps ensemble.
Lorsque les éclaireurs de la compagnie reviennent en disant que deux hommes semblent sur leurs traces depuis plusieurs jours, Aislinn accompagne la troupe qui va à leur rencontre. Mais elle empêche les archers de la Branche Rouge de les transpercer, quand elle reconnaît son frère de lait, Vidar. Celui-ci, chargé en effet de veiller sur elle lors de la bataille, ne l’avait pas quittée des yeux. Mais il n’avait pu qu’être le témoin impuissant de son enlèvement, car il était à pied, et trop loin pour arrêter un homme lancé sur un cheval au galop. Il avait alors suivi la Branche Rouge, avec un homme, Hrolv, qu’il avait convaincu de l’accompagner. Aislinn leur explique la situation, et leur demande d’attendre la rançon avec elle, et de l’escorter alors sur le chemin du retour. Bizaremment, la perspective du retour ne semble pas l’enchanter. Vidar réalise très vite également qu’elle et Aed apprécient visiblement la compagnie l’un de l’autre.
Enfin, les émissaires de sa grand-mère arrivent avec la rançon. Rendez-vous est pris avec eux dans une clairière non loin du camp. Le chef de la troupe doit s’y rendre seul avec la princesse. Visiblement aussi mécontents l’un que l’autre, Aislinn et Aed partent donc à la rencontre des messagers. Un assez long temps s’écoule, et les hommes commencent à se demander s’il n’y a pas eu traîtrise, lorsqu’ils reviennent, tous les deux, mais cette fois visiblement contents : « Aislinn reste avec nous, mais désormais de son plein gré, dit Aed. Et elle sera ma compagne. Elle conservera la majeure partie de la rançon pour son usage personnel, mais également pour la compagnie ».
Et
comme preuve de ses dires, le premier acte de Ragnhild avec cet
argent, fut de faire construire pour Aed un trône : « tu
es le chef de cette compagnie, et le compagnon d’une princesse,
fille et nièce de roi, il te faut un trône ».
Et sur ce trône, elle fit graver la figure et les symboles
d’Odhinn, son dieu.